#jesuischarlie

Je les ai cherché, toute la journée, toute la nuit, puis ce matin encore, tentant de formuler l’intime et le douloureux. Je n’ai pas réussi. Je n’essaie plus. Il n’y a pas de mot pour dire la violence de ce qui s’est passé hier. Tout s’embrouille au dedans. Je laisse à chacun prendre sa part de douleur, personnelle, symbolique, idéologique. Je ne juge pas. Un voile triste. Et cette phrase, « Je suis Charlie », pour mieux comprendre pourquoi mon coeur ne se réenclenche pas, cette sensation d’être touché de près.
Ces prénoms, que je ne cesse de voir défiler : Frédéric, Franck, Jean, Elsa, Stéphane, Philippe, Bernard, Ahmed, Mustapha, Michel, Bernard, Georges. 12 personnes. Morts.
Rien qui puisse justifier cela.
Mon neveu de 7 ans qui m’appelle au téléphone, la voix serrée, parce qu’à l’école il a entendu un copain dire qu’à Paris on tuait les dessinateurs, et qui veut savoir si je vais bien.
Ce silence, dans les rues.
Ces gens qui se regardent en coin.
Comment ce drame national est entré dans la sphère personnelle de nos libertés, de nos trajectoires individuelles et humaines.

J’étais dans une librairie quand j’ai appris la nouvelle. Un type me checkait du coin de l’oeil, gêné, pour voir si je le regardais prendre le dernier Houellebecq dans la pile de livres et je trouvais ça drôle. J’avais acheté du pain melon dans une boulangerie, j’avais du temps pour moi, ça devait être une bonne journée. J’étais près de la caisse quand un homme m’a attrapé le bras, l’air ébété en lâchant « On a attaqué Charlie Hebdo ! », avant de repartir. Je n’ai pas su quoi répondre. Une attaque ? Un caillou contre une vitre ? Un nouvel incendie comme en 2011 ? J’ai eu des proches au téléphone. On m’a parlé des morts. Des tireurs en fuite. Je n’ai plus respiré. Paris était si petite, tout à coup.
Je suis rentré chez moi.
J’ai mis les infos.
Les images.
Les premiers témoignages.
J’ai pleuré.
J’ai partagé la peine.
La peine était partout.
La colère.
La colère je la connais.
Je sais qu’elle est utile.
Mais la colère n’était pas suffisante.
La peur. J’ai ressenti la peur.
La peur de ce monde.
J’ai détesté avoir peur de ce monde.
Il a fallu attendre le soir, que je vois les images des rassemblements, des manifestations, pour qu’autre chose se passe.
Ce monde. On ne peut pas avoir peur d’un monde qui se réunit dans les rues, d’un monde qui se fait entendre, d’un monde qui se relève, qui fait bloc. C’est ça le monde, ce n’est pas le terrorisme.
L’espoir.
J’ai ressenti l’espoir.
Et j’ai compris ce que c’était, être Charlie. Ce que ça voulait dire.
Un monde libre.
Un monde qu’il faut défendre.
Un monde qui doit se tenir debout.
Une citation a fait le tour du net depuis hier, un proverbe mexicain : « Ils voulaient nous enterrer. Ils ne savaient pas que nous étions des graines ».
Pleurons.
Rassemblons-nous.
Faisons bloc face au fanatisme, l’obscurantisme, la folie et la haine.
Avec plus de démocratie, d’amour et de tolérance, pour reprendre les mots d’un autre. Cela me semble être le meilleur moyen de faire pousser ces graines.

Regardez par vos fenêtres.
Quelque chose est né.

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