Pour écrire « A copier cent fois », j’ai fermé les écoutilles et j’ai plongé au fond de moi. Dans une matière molle, intime, liquide, que j’avais volontairement laissé filer dans mes rivières adolescentes. J’avais trente ans et toujours ces souvenirs sur lesquels il est difficile de tenir debout, même quand on est une grande personne, capable de répondre aux poings levés et de se défendre. Dans ce monde liquide, j’avais toujours 12 ans et les jambes qui tremblent, le ventre qui se noue et les larmes au fond de la gorge. Mais en faisant ma brasse dans ce passé lacrymal, je me suis rendu compte que quelque chose avait changé avec le temps : il n’y avait plus seulement les insultes et les cris, j’avais appris les mots, les mots qui soulagent, les mots qui rassurent, les mots qui rendent fort. J’avais un moyen de libérer les émotions, la parole. J’avais des boucliers, des épées, de quoi combattre mes peurs. En posant les premières lignes de ce récit, je me suis rendu compte pourquoi c’était si important pour moi de l’écrire et pourquoi j’avais dû attendre tant de temps pour me sentir capable de le faire : je voulais donner à des gens, dont la parole est encore cadenassée au fond du ventre, des clés pour la libérer. Parce que les cadenas m’ont longtemps étouffé, à l’intérieur, et que j’ai cru tout ce temps qu’on pouvait vivre comme ça, en regardant le monde par le trou des serrures, comme une petite poussière qui ne voudrait déranger personne. Mais non, ce n’est pas une vie, ça. Je voulais faire comprendre aux lecteurs, que cent mensonges qu’on leur répète, quelque soit la conviction des gens qui les entourent, ne font jamais le poids contre une seule vérité. Celle d’être qui l’on est, cette lumière qu’on porte en soi. Que chacun, tant qu’il est dans sa propre vérité, est sur le bon chemin. N’en déplaise à ceux qui voudraient se rassurer en se persuadant que notre monde pourrait tenir dans une poignée de cases : notre monde est bien plus vaste, bien plus riche, et c’est très bien comme ça.
Hier, j’ai appris que « A copier cent fois » est le lauréat du Prix Les Adolises 2014. Cette nouvelle me touche pour une raison toute simple : « A copier cent fois » n’a de sens qu’au contact de ses lecteurs. Le travail que j’ai entrepris n’a de sens que parce que ce texte peut, aujourd’hui, être une passerelle pour nourrir des discussions, des débats, sur l’acceptation de soi, la tolérance, l’ouverture à la différence, et permettre à chacun de s’interroger sur ce qu’il veut passer sa vie à « recopier », des mensonges ou des instants au plus près de soi.
« A copier cent fois » a bénéficié, depuis sa sortie en janvier 2013, d’un accueil merveilleux et chaleureux. Et je ressens le besoin de remercier tous les gens qui font vivre ce texte, à travers leurs lectures, à travers nos rencontres et nos échanges, mais aussi à travers tous ces moments plus intimes qui font la vie de ce livre et qui ne regardent que celles et ceux qui lui ont fait une place dans leur quotidien.
Un immense merci à toute l’équipe de la médiathèque de Montélimar pour leur énergie et leur soutien sur ce texte, Anne-Sophie, Stéphanie, Kim et ceux que je rencontrerai en mai prochain, ainsi qu’aux ados et collèges qui ont participé à ce prix. Je savais que la vie de ce roman serait une belle aventure, et quel bonheur de pouvoir la partager avec vous. Merci.